
Un livre de photos ? Plutôt un livre de rencontres douces et profondes qui donnent à voir le regard et le moi intime de l’autre.
Christine Jakobs a choisi une série de prises de vue s’étalant entre 1974 et 1976. Les rôles sont clairs : les femmes sont devant la caméra, Christine Jakobs est derrière l’objectif. Impression d’échange, de retenue aussi, de partage entre celle qui est photographiée et celle qui photographie.

Très vite, en feuilletant le livre, c’est presque une fascination pour découvrir un peu plus de l’autre, de celles qui "nous" regardent.
Les regards observent, scrutent, s’affirment, simplement. Et c’est autant de récits par l’image, d’un moment, d’une vie… « Chaque femme [dit Christine Jakobs] a choisi son lieu de pose, toutes sont dans leur lieu de vie », à l’exception de la jeune femme dans le pré.

Présences de Christine Jakobs est un espace d’expression, comme une parenthèse en noir et blanc, avec toutes les nuances d’ombres et de lumières, de gris aussi… Elle explique : « Les jeunes femmes faisaient partie d’un groupe de parole dans les années 1970, à Paris. Les autres sont des femmes de la famille, des voisines du village en Ariège, et une collègue de travail à Courbevoie. » Et Christine d’ajouter : « Elles s’imposèrent à moi dans leur quête ardue, leurs doutes, leurs faiblesses et leur beauté. »
Au début des années 1970, la prise de parole pour les femmes équivaut à une prise de pouvoir, à une réappropriation d’autonomie et à une volonté d’émancipation. L’époque est en effet marquée par l’émergence d’un nouveau féminisme dont l’origine émerge et prend forme en mai 1968,
« point de rupture avec le silence, avec la censure ».
Dans le même temps, les luttes contre les stéréotypes, contre les
fantasmes autour de la féminité animent les débats, provoquent des
prises de conscience et c’est alors que les femmes vont également s’emparer de la caméra et de l’outil vidéo, de leur image, c’est ce
qu’explique Hélène Fleckinger dans un ouvrage à paraître sur l’histoire
du cinéma féministe des années 1970 à 1980.

Des groupes de parole aux groupes de cinéastes, les démarches sont en résonance et les enjeux se croisent : l’expression et la création se libèrent des critères imposés jusqu’alors pour revendiquer l’autonomie et l’égalité des droits. Les femmes s’expriment et s’affirment… Cette étincelle apparaît comme une évidence naturelle dans Présences de Christine Jakobs, dans chaque regard de ces femmes qu’elle a su capter et reproduire dans une image arrêtée certes, mais toujours aussi vivante.
