Christiane Passevant
Le monde en un jardin
Film documentaire de Frédérique Pressmann
Article mis en ligne le 30 mars 2014
dernière modification le 21 mars 2014

par C.P.

C’est l’histoire d’un jardin et c’est aussi l’histoire d’un quartier que nous raconte Frédérique Pressmann dans son film, Le monde en un jardin. Et croyez-le si vous voulez, ce monde en un jardin — le parc — se situe sur les collines de Belleville. On y domine tout Paris, les pieds dans la nature, même si, à travers les arbres, par quelques trouées, apparaissent des immeubles bien urbains et plutôt moches, il faut bien le dire.

Le monde en un jardin où un jardinier philosophe, nouveau Candide pédagogue, prend le temps d’écouter les oiseaux, de regarder pousser les arbres et les fleurs, les connaît par leurs noms, et prend soin du jardin, en collines, qui fut un lieu important de la culture ouvrière dès le XIXe siècle, surtout après que les travaux du baron Haussmann aient chassé le peuple parisien du centre ville, notamment vers Belleville et ses collines.

Belleville, on se souvient des luttes de la Commune en 1871, ou encore de l’enquête du journaliste Henri Leyret qui, en 1893, s’est fait bistrotier dans le quartier afin de « pouvoir étudier l’ouvrier chez lui, au repos, loin de l’atelier déprimant, loin des réunions publiques, […] se mêler à ses rires, à ses misères, rire et pleurer comme lui, près de lui pour mieux le connaître. » Cela donnera En plein faubourg, un des premiers essais sociologiques, passionnant et réédité dernièrement par les Nuits rouges.

Dans Le monde en un jardin, la réalisatrice a inséré quelques archives filmées, qui nous rappellent, au coin d’une allée ou d’un témoignage, ce qu’était le quartier auparavant, il y a quelques décennies, avant la création du parc.

Les saisons se suivent et le quartier, encore populaire, devient peu à peu bobo, mais « pas trop » espère Gérard le jardinier, parce que l’important c’est que le jardin accueille une « mixité sociale » comme dirait les sociologues aujourd’hui.

Le monde en un jardin de Frédérique Pressmann est une balade et beaucoup de réflexions à propos de la ville, du partage, et d’un monde apaisé… Apaisé ? Pas sûr. L’expression des ceux et celles qui s’y promènent peut se faire critique et subversive… Moussa, par exemple, analyse la société et ses perspectives : « Ils font tout pour que la jeunesse française se déconnecte et on peut se réveiller que quand il y a Le Pen au deuxième tour. Je trouve ça grave, quand même. On est en France, on a connu Vichy, on a connu les rafles... tout un tas d’horreurs qui fait normalement qu’un peuple comme le nôtre, je dis bien le nôtre, n’a pas le droit de tomber dans des pièges comme ça. »

Le monde en un jardin de Frédérique Pressmann, c’est l’histoire d’un jardin, c’est aussi l’histoire d’un quartier, de ses habitants et de ses habitantes… Belle promenade !