San Francisco, et en particulier le quartier de Mission, est un foyer de la culture latino-américaine aux États-Unis. Depuis plusieurs décennies, les peintures murales jouent un rôle fondamental dans l’expression des revendications d’une minorité à la fois exploitée, marginalisée et méprisée. En suivant les traces de Diego Rivera et des grands muralistes mexicains de l’époque révolutionnaire, les jeunes graphistes inscrivent sur les murs de leur ville la mémoire des luttes passées et le programme de celles à venir.
Comme le principal motif des migrations Sud-Nord est, ici comme ailleurs, la recherche d’un emploi et de meilleures conditions de vie, j’ai centré mon regard sur quelques représentations de la frontière et des luttes sociales qui accompagnent les migrants dans le monde du travail.
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Mission, 24th Street. « We didn’t cross the border, the border crossed us ». Cette série de peintures illustre le thème de la frontière qui sépare artificiellement les peuples et les familles. L’ensemble a été exécuté en 2007 sous la direction d’Eric Norberg et Mike Ramos, dans le cadre des activités de l’association HOMEY (Homies Organizing the Mission to Empower Youth, fondée en 1999 pour lutter contre la violence dans le quartier de Mission) avec comme objectif principal : « Building Bridges of Solidarity ».
1. Comme le signale le signale le panneau de présentation de la série de peintures murales de l’association HOMEY sur le thème de la frontière : La lutte continue !

2. Installé dans un bus de San Francisco, un jeune latino passe devant une rue imaginaire au nom symbolique : Aztlan, la terre d’origine des Aztèques.

3. Sur le mur qui sépare le Mexique des États-Unis, un graffiteur en chemise blanche a inscrit : « We didn’t cross the border, the border crossed us ». Ses bombes aérosols traînent par terre. Une amérindienne souffle dans un coquillage devant Quetzalcoatl, le serpent à plumes des légendes préhispaniques.

4. Des manifestants protestent contre la politique répressive des États-Unis envers les migrants. Le mur qui court le long de la frontière s’enfonce dans l’océan, au niveau des plages de Tiujana.

5. Les Latinos du quartier de Mission se solidarisent avec tous les peuples en lutte, sur tous les continents.

6. 23th Street, Mission. El Inmigrante, par Joel Bergner, 2005. Cette peinture murale saisissante montre le migrant qui quitte sa femme et son village pour traverser la frontière afin de trouver un travail del otro lado (« de l’autre côté »). Joel Bergner, artiste engagé, a peint sur les murs des villes de nombreux pays (Brésil, Cap Vert, Cuba, El Salvador, Kenya, Mexique, Mozambique, Pologne… Avec son association Action Ashé ! Global art and Social Action Initiative, il combat la violence, la délinquance urbaine et toutes les formes d’exclusion sociale et ethnique.

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1850, Mission Street, San Francisco. Peintures murales sur la façade de l’association Arriba Juntos (« En haut, ensemble »), fondée en 1965 par trois activistes impliquées dans les luttes pour la justice sociale, Leandro Soto, Herman Gallegos et James McAlister. Au départ, il s’agissait d’aider les migrants latinos à obtenir un emploi, un logement et des services de santé. Aujourd’hui, l’association a élargi ses activités et s’est ouverte à toutes les communautés ethniques mais elle reste ancrée dans la culture latino-américaine
7. Le maïs, avec toutes ses variétés et toutes ses couleurs, est la plante de civilisation par excellence des sociétés mésoaméricaines. Monsanto n’est pas encore passé par là.

8. La vierge de Guadalupe veille sur les enfants des migrants qui, grâce à l’association, ont réussi leurs études aux États-Unis.

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Peintures murales de la Coit Tower, Telegraph Hill, San Francisco. Inaugurée en 1933, la Coit Tower est, avec le Golden Gate Bridge, l’ancienne prison d’Alcatraz et la Pyramide Tower, l’un des hauts lieux les plus emblématiques de San Francisco. Les murs du monument sont couverts de peintures murales directement inspirées par l’œuvre de Diego Rivera. Illustrant les difficultés de la classe ouvrière nord-américaine au cours de la grande dépression qui a suivi le crash de 1929, elles ont été l’objet de grandes controverses. De nombreuses allusions, directes ou indirectes, au marxisme et à la lutte des classes ont provoqué à l’époque l’indignation des élites locales.
9. Industries of California, par Ralph Stackpole : la chimie.

10. Industries of California, par Ralph Stackpole : femmes travaillant sur une packaging line.

11. California Agriculture, par Maxine Albro. Sur les cageots remplis d’oranges par les ouvriers agricoles, on peut voir le signe de la NRA (National Recovery Administration), ainsi que l’aigle du Blue Eagle Drive, deux organismes chargés dans les années 1930 de relancer la production économique et d’inciter les entrepreneurs à participer de manière solidaire à l’effort national.

12. California Industrial Scenes, par John Langley Howard. Connu pour ses engagements révolutionnaires, John Langley Howard a peint des mineurs en grève et des familles ouvrières victimes de la grande dépression. Sur ce tableau, les laissés pour compte du système capitaliste vivent dans des tentes, lavent leur linge dans la rivière et cherchent désespérément de l’or. Ils sont observés de loin par quelques nantis venus avec leurs belles voitures.

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23th Street et Capp, Mission, San Francisco. Cette longue peinture murale qui s’étend sur un block de la 23e rue, à l’intersection de l’avenue Capp, met en scène les petits boulots exercés par les migrant-es mexicain-es dans les rues de San Francisco. Placés sous le signe de la lutte et de l’espoir (Lucha y Esperanza), ils sont accompagnés de figures pictographiques symboliques inspirées du monde aztèque et maya.
13. Le vendeur de glaces. La rue arc-en-ciel est bordée par des édifices aux enseignes évocatrices : Value, Mission, Esperanza, Cine Latino, Dream, Hope Café.

14. De l’autre côté de la rue, une fleuriste est enveloppée dans son rebozo. Les alcatraces qu’elle porte sont peut-être un hommage au tableau célèbre de Diego Rivera.

15. La vendeuses de tamales (semoule de maïs enveloppée dans des feuilles de maïs ou de bananier) est emblématique de la culture culinaire mexicaine exportée aux États-Unis.

16. On peut vendre des hot-dogs et rester combative, comme le montre la jeune migrante au cheveux noirs dont le tablier est orné d’un poing fermé et du slogan : unidos.

17. Coiffé d’une casquette SF, le vendeur de fruits s’inscrit dans une logique de combat. Sur ses cageots, deux consignes en anglais et en espagnol : struggle (lutte) et luchar (lutter).

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Clarion Alley, Mission, San Francisco : Capitalisme is over. Sans commentaire.
