Christiane Passevant
Je n’aime pas la police de mon pays
Maurice Rajsfus (Libertalia)
Article mis en ligne le 4 janvier 2013
dernière modification le 2 janvier 2013

par C.P.

« La consigne, c’est la consigne »…16 juillet 1942, dès quatre heures du matin, 7 000 policiers français participent aux « opérations de ramassage de juifs » selon la formule des autorités policières françaises. Cette vaste opération menée avec zèle et brutalité se solde par 13 152 arrestations au soir du 17 juillet 1942. Et pour la première fois, les arrestations n’ont épargné ni les femmes ni les enfants.

Encore adolescent, Maurice Rajsfus fait alors une première rencontre avec les « forces de l’ordre » françaises par l’entremise d’un voisin, flic de son métier, un certain Mr Mulot qui n’hésita pas à embarquer sans ménagement la famille Rajsfus, à l’aube, vers un commissariat qui regroupait des centaines de familles du quartier. Maurice et sa sœur échappèrent à Drancy et aux camps de concentration un peu par hasard et grâce au réflexe de leurs parents. Une adolescence qui n’est pas épargnée par la discrimination quotidienne et, à quelques exceptions près, la lâcheté générale.

Quelques décennies plus tard, dans son livre, La police de Vichy, Maurice Rajsfus posera cette question : « Quelle différence peut-il bien y avoir entre un policier participant à une charge lors d’une manifestation ouvrière et son collègue qui, quelques années plus tard, se livre à la chasse aux Juifs ? » Le pouvoir peut changer, mais « la logique policière échappe aux considérations politiciennes, dès lors que la mission de maintien de l’ordre est suffisamment cohérente pour rester répressive. Peu importe le système qui donne les ordres, si la matraque est au bout de l’ordre reçu. »

En 1993, un inspecteur de police assassine le jeune Makomé au commissariat des Grandes-Carrières du XVIIIe arrondissement de Paris. Un an plus tard, en juin 1994, l’Observatoire des Libertés Publiques est créé et son bulletin, Que fait la police, paraît, notamment à l’initiative de Maurice Rajsfus qui fait œuvre d’historien et d’archiviste pour ce qui concerne les dérives policières et leur impunité.

Après son édition papier, Que fait la police ? est sur Internet.

1er janvier 2013.

Quand la police entre en socialisme, il n’y a rien de changé sous le soleil noir de l’idéologie sécuritaire...

Chronique anti-autoritaire de Maurice Rajsfus dans

QUE FAIT LA POLICE ?

De l’Observatoire des Libertés Publiques

Suite au mouvement de mai/juin 1968, je m’étais appliqué à mettre en fiches les nombreuses informations parues dans la presse, relatant les mauvaises manières des policiers de ce pays.

En juin 1994, en compagnie de mon camarade Jean-Michel Mancion (Alexis Violet), il nous avait paru indispensable de faire un état des lieux permanent des dérives policières. D’où la constitution de l’Observatoire des libertés publiques, et de son bulletin mensuel Que fait la police ?

185 numéros mensuels ont été publiés depuis, avec de trop nombreux « faits divers » recensés. Le temps est donc venu de modifier notre approche, et de nous attacher aux commentaires pour tenter de mieux sensibiliser nos lecteurs [et nos lectrices] au rôle peu convivial joué par une police bien plus attachée à servir le pouvoir du moment que de s’inquiéter des problèmes de l’ensemble des citoyens [et des citoyennes].

L’aventure du bulletin Que fait la police ? (1994-2012)

Dans un pays où la police parle bien plus de ses droits que de ses devoirs, quel espace de liberté peut bien subsister pour les citoyens ? Ces droits revendiqués par les policiers ne peuvent que signifier, parallèlement, le renoncement à la critique quant à la qualité de leurs activités. Lorsque la parole du policier ne peut être réfutée, c’est toute la liberté d’expression qui
se trouve mise en cause […]. Il est nécessaire que des témoins ou des observateurs se fassent entendre. C’est le rôle qu’a tenté de jouer, depuis le printemps 1994, l’Observatoire des libertés publiques et son bulletin mensuel
Que fait la Police ?

Avons-nous réussi à décrire les aspects malfaisants de la police et à sensibiliser les esprits ? Peut-être pour une minorité. Sans doute pas pour le plus grand nombre. Est-ce une raison pour renoncer ? Sans doute pas !

Que fait la police ? continue dans une autre formule, celle d’une chronique et de commentaires sur les agissements des institutions policières.