Témoignage d’une enseignante — Agora de l’Odéon occupé
Dimanche 4 avril 2021
Article mis en ligne le 6 avril 2021

par C.P.

J’aimerais simplement apporter un témoignage sur la situation dans les collèges, les établissements scolaires. Je travaille dans l’éducation auprès de la jeunesse adolescente, dans un collège à Villiers le Bel, à côté de Sarcelles dans le Val d’Oise.

La situation dans les établissements scolaire est délétère. On fait notre travail contre vents et marées dans des conditions de plus en plus précaires.

On se prend depuis plusieurs années, des réformes dans la tête qui dégradent nos métiers et l’apprentissage des enfants. Ces réformes qui transforment l’école en un lieu de tri social de plus en plus violent pour les élèves.

À titre d’exemple, la réforme du bac il y a deux ans, qui va de pair avec Parcoursup, a tué le bac national. C’est devenu du pur contrôle continu. En fait, les élèves passent le bac tous les jours dans leur établissement, localement. La conséquence, elle est simple : un bac obtenu à Sarcelles n’a plus la même valeur qu’un bac obtenu à Neuilly.

Ces réformes ont été imposées avec violence et mépris. Notre métier est méprisé et malmené, il a changé : il est de plus en plus difficile de mener les apprentissages dans la classe avec sérénité.
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Au collège, on enseigne dans des classes surchargées, les effectifs en septembre ont encore été augmenté, on arrive à 30 élèves par classe sans aucun égard par rapport à la situation sanitaire. On entasse les enfants, les jeunes dans les salles, on supprime les demi-groupes. C’est difficile de s’occuper de chacun d’eux et d’elles. C’est comme à l’hôpital, on supprime des lits, on demande au personnel de s’occuper de plus en plus d’élèves.

Le service public est malmené, maltraité et en fin de compte (et c’est bien de comptes dont il s’agit), c’est le public, c’est nous qu’on maltraite et qu’on malmène.

Des choix politiques sont faits et ils ont choisi la bourse et leurs profits, pas la vie des gens.
D’ailleurs, le contexte sanitaire a révélé le fait que l’école était pour le gouvernement, une garderie. On ne s’est soucié de les maintenir ouvertes que pour permettre aux parents de travailler, de faire fonctionner la pompe à fric. C’est une grande imposture, une immense supercherie. On nous a dit que l’école n’était pas un lieu de contamination, on a dû se battre pour avoir du savon dans les toilettes, on nous a fourni des masques toxiques, il y a eu pendant des mois une omerta hyper violente sur les chiffres de malades dans les classes. Au mépris de la santé des personnels, des élèves, de leurs familles, de la population.

La garderie, elle est organisée pour les parents d’élèves, les élèves on n’en parle pas, on se moque de ce qui se passe dans la classe, mais c’est de la maltraitance ! Ils-elles sont perdus-es ; quand on parle avec eux, ils nous disent : « Moi, j’vous avoue, madame, j’suis perdu… ». Ils voient bien, ils ne sont pas dupes, les jeunes. La jeunesse est déboussolée.

À la rentrée de septembre, aucun bilan, aucune leçon n’a été tirée du grand déchirement qu’a constitué le vrai confinement. Pendant ce temps, en septembre, à côté du collège où je travaille, la ville de Villiers le Bel faisait des travaux d’aménagement pour agrandir le cimetière.

Nous, dans les classes, on tentait de tenir debout, exposées au Covid, mais heureux de se retrouver en vrai, d’échanger, de tisser des liens. De construire l’avenir comme on pouvait.
Et aujourd’hui, on ferme. On a laissé circuler le virus pendant des mois. Mais aujourd’hui, on ferme, enfin. Une décision est prise verticalement, dans la précipitation, alors que les collègues tiraient le signal d’alarme, demandaient des demi-groupes, une organisation tenable de l’école pour protéger les enfants et le personnel. On veut des vrais protocoles qui protègent les gens et pas le capital. Des vrais protocoles et des recrutements pour rouvrir dans des conditions qui nous protègent, tous les lieux de vie : les écoles, les cirques, les universités, les théâtres.

Pour changer le mépris de camp, car dans leur monde du fric et de flics, il n’y a plus d’humains, il n’y a plus de liens, que des écrans, des ombres et des courbes.

Pour le retrait des réformes qui cassent la société, qui nous déchirent, qui cassent les Services Publics : le 6 avril, en grève pour la défense de la Fonction publique, le 8 avril, les Aesh et les baisses de dotations dans les établissements publics.

Merci à l’Odéon occupé pour ces prises de parole qui nous relient en vrai, ensemble,
Solidarité !