La Passerelle
Quand Elon Musk montre le ciel, les imbéciles regardent son doigt…
Article mis en ligne le 31 mars 2020

par C.P.

Au-dessus de nos têtes est en train de se jouer une partie d’échecs invisible mais dont les conséquences sont immenses. Le 18 mars 2020, une fusée de la société Space X, propriété du milliardaire Elon Musk, a mis en orbite d’un seul coup une soixantaine de satellites. L’objectif est de constituer un réseau de satellites, baptisé « le lien des étoiles » (Starlink), capable d’assurer à tous les Terriens (solvables) un accès supplémentaire au réseau Internet. Ce lancement est le cinquième d’une série de vingt-quatre visant à disposer rapidement de 1 500 satellites, avant d’en atteindre à terme, pour couvrir la planète, le chiffre faramineux de 42 000 ! Ce nombre est à comparer aux 8 000 satellites environ que l’humanité a déjà mis sur orbite, depuis le tout premier d’entre eux, le fameux Sputnik soviétique.

Clichés à l’appui, les promeneurs nocturnes et les astronomes ont vivement protesté contre la pollution lumineuse : en traversant le ciel, les satellites Starlink laissent de longues traînées visibles. Elon Musk balaye ces aigreurs, se disant convaincu que ses satellites n’auront aucune conséquence sur les découvertes astronomiques et que, s’il le faut, leur surface sera peinte en noir.

Les autres opérateurs de satellite protestent aussi. L’augmentation probable des collisions spatiales et la multiplication des débris polluant les orbites basses pourraient rendre inutilisable l’environnement spatial proche. Le premier incident a déjà eu lieu : le 2 septembre 2019, l’agence spatiale européenne a dû manœuvrer un de ses satellites d’observation de la Terre pour éviter une potentielle collision avec un des engins de Starlink. Musk nous affirme que ses satellites seront dotés de propulseurs capables de les faire retomber en fin de vie.

D’autres inconvénients sont plus difficiles à corriger, et sans doute plus graves encore.
Sur les soixante satellites Starlink lancés conjointement le 24 mai 2019, trois sont déjà en panne… Si seulement un dixième des satellites de Starlink tombaient en panne durant leur vie opérationnelle estimée de 5 à 7 ans, cela ajouterait plusieurs milliers de débris spatiaux aux 23000 qui font déjà l’objet d’une surveillance. Les opérateurs spatiaux privés ne font aucun effort, car ils n’ont l’obligation ni d’évacuer eux-mêmes leurs satellites en panne, ni de financer des missions communes pour le faire. Cette situation rappelle étrangement ce qui se passe avec la pollution des sols et des eaux...

Tout aussi catastrophique est la mise en place d’infrastructures démesurées, impliquant une prédation des ressources en énergie et en matière de notre planète, tant pour les construire que pour les lancer, les piloter ou les utiliser. Par exemple, comme ces satellites traversent le ciel d’un lieu donné en à peu près 5 minutes, l’échange avec eux nécessite l’installation au sol de plusieurs millions de stations de réception des signaux ! Sans parler du fait que chaque utilisateur devra acheter un équipement électronique adapté dont la taille est celle d’une boîte à pizza...

Pire encore, la concurrence affûte ses armes : comme pour les trottinettes électriques, plusieurs industriels se lancent dans une production massive, désastreuse du point de vue écologique comme économique. Le but est bien sûr d’être le premier à occuper le terrain pour emporter la partie. Musk a forcé l’allure pour avoir un coup d’avance mais il n’est pas le seul, et plusieurs systèmes redondants pourraient bientôt tourner au-dessus de nos têtes ! Il y aura tout au plus un gagnant... et peut-être même aucun.

Le 9 mars 2020, Elon Musk a annoncé que grâce à Starlink, « les clients pourront regarder des films en haute définition, jouer à des jeux vidéo et faire tout ce qu’ils veulent ». Affichant explicitement sa volonté de renforcer des activités numériques déjà massivement polluantes (vidéo en streaming, visioconférences, jeux vidéo en ligne), la phrase de Musk se termine d’une façon significative : mes clients pourront faire tout ce qu’ils veulent, comme moi je fais ce que je veux. Car, oui, Musk est un prédateur en train de privatiser l’espace avec la bénédiction de la Federal Communications Commission. Vous avez bien lu : l’autorité états-unienne chargée de réguler les communications de son pays autorise une entreprise états-unienne à privatiser l’espace, bien commun de l’humanité, en accaparant des ressources utiles à toute la planète. Cela va bien au-delà de petites nuisances gérables...