Un été à Changsha
Film de Zu Feug (4 décembre 2019)

Ça commence comme un polar avec l’enquête sur la découverte d’un bras sur les rives de la rivière Xiang. Mais le récit glisse bientôt vers une étude psychologique et sociale à la fois ancrée dans la réalité particulière chinoise et plus largement dans l’universel. C’est en fait le passé qui est en question et ses conséquences sur la vie des individus. Le décor du film : un été moite et étouffant au cœur de la Chine. Quant à l’enquête, à part ce bras découpé, les indices sont inexistants jusqu’à ce qu’une jeune femme, médecin, se présente au commissariat et déclare avoir vu en songe son frère disparu. Elle est convaincue de la véracité de son rêve.

« Comment faire face aux secrets de son passé et avancer dans la vie malgré tout ? » C’est la question récurrente du film et elle concerne en particulier deux des personnages. L’enquêteur Bin, dont la femme dépressive s’est suicidé, se sent responsable de n’avoir pu l’en empêcher. La sœur de la victime, suspectée de vengeance en raison de son attitude détachée et sur la défensive suite à la mort de sa petite fille quelques années auparavant. Le climat oscille alors entre malaise et suspicion.

De thriller, le récit dérive vers l’analyse psychanalytique des personnages. Les non-dits sont troublants, les postures révèlent des blessures insupportables et les protagonistes se débattent dans une fuite impossible. Aller jusqu’au suicide, c’est parvenir à démêler la/les vérités de la responsabilité et du libre arbitre. « Ce qui se passe à Changsha semble pouvoir advenir dans quelle ville du monde [souligne le réalisateur]. Ce n’est pas simplement une histoire qui se passe en Chine, c’est une histoire universelle, à laquelle nous avons tout de même ajouté des couleurs et des éléments locaux. » Autour des deux personnages hantés par le passé, transitent le collègue pragmatique, la jeune femme enceinte, les parents de la suicidée dont la sœur qui ne désire que la paix et sortir du drame.

Durant un autre rêve, la jeune femme visualise l’endroit où le torse de son frère a été enterré, près d’un arbre mort, au milieu de nulle part. Ses indications s’avèrent réelles, ce qui la désigne aux yeux de l’enquêteur principal comme une coupable potentielle. Quant à la tête, elle se trouverait à l’intérieur d’un bloc de ciment. Au cours de l’enquête, Bin a une relation avec la rêveuse, mais celle-ci le chasse au matin. « Moi aussi, j’ai tué quelqu’un. Et dans ce monde, il n’y a que moi qui pense encore à elle. Mais je ne supporte plus d’être impuissant », avoue-il. « Tu crois que ma fille, mon frère et ta femme sont ensemble ? [demande-t-elle]. Les rêves, c’est ce qui reste après la mort. » En concluant : « à quoi bon tenir le coup si l’on a pas la force de tout recommencer ? »

Le malaise, la culpabilité, les silences aboutissent à la séquence fascinante de la double tentative de suicide, devant l’arbre mort, qui s’accompagne d’hallucinations allégoriques et où la lumière tient un rôle quasi magique. Ellipse… Le réveil de Bin dans une chambre d’hôpital le ramène à la vision du bloc de ciment contenant la tête de la victime.
Un été à Changsha est un film très complexe, à plusieurs niveaux, mêlant les genres cinématographiques pour mieux cerner la situation et les personnages.
Un été à Changsha de Zu Feug sort le 4 décembre.