Après la nuit
Film de Marius Olteanu (18 décembre 2019

Drame conjugal. Songeant à se séparer après dix ans de vie commune, Dana passe la nuit dans un taxi et Andrei entre les bras d’un homme. De façon inattendue, cet ultime échappée nocturne va les rapprocher. Un drame bien construit mais un peu lent sur fond d’une Roumanie raciste et homophobe.
Sortant éplorée d’une gare, Dana prend un taxi. Elle reçoit un appel. Il semble consécutif à une séparation. Elle convainc le chauffeur de rouler toute la nuit avec elle. S’arrêtant devant chez elle, elle doit embarquer pour l’hôpital un voisin et sa femme sur le point d’accoucher. Bien qu’elle s’apprêtât à déménager, le voisin lui reproche certains désagréments (odeurs de cuisine, etc). De nouveau seuls, Dana et le chauffeur se laissent aller à des confidences. Puis elle se fait emmener en bas d’un immeuble. Elle épie une fenêtre où, plus haut, apparaît un couple. Après une séance de boxe, Arthur écrit un sms à celle qu’on devine être Dana. Puis épie un couple depuis le bas d’un immeuble. Après une discussion houleuse avec sa grand-mère, il se rend chez Alex.
Alex et Arthur passent la nuit ensemble. Marié, Alex donne à Arthur des consignes de prudence s’ils devaient se revoir. Arthur appelle Dana. Il veut rester avec elle. Il la retrouve. Ils assistent au baptême de la fille d’une amie. Puis ils se rendent chez la grand-mère d’Arthur. Lors du repas, celle-ci reproche à Dana son refus d’avoir un enfant et invite Arthur à l’envisager avec une autre femme quitte à rester avec Dana. Retrouvant leur appartement la veille de la vente, ils croisent le fameux voisin. Il est père d’une fille. Ils partent en voiture. Se retrouvent tous deux en bas d’une passerelle de chemin de fer. Dana avoue avoir rencontré un ex amant d’Arthur pour “comprendre”. Ils constatent qu’ils ne peuvent pas se séparer.
Avec son traveling latéral longeant un train en gare et s’achevant sur une femme debout, de dos, sur le quai d’en face, Marius Olteanu ouvre de façon magistrale son premier long métrage pour aborder le thème du désordre intérieure par temps de désarroi amoureux. Jouant habilement sur les formats de l’image (carré, 1:1, écran large) et l’arrière plan de façon à renforcer la sensation d’étouffement des personnages et leurs moments de relâchement psychologique, il décline son récit entre Antonioni pour la lenteur de son rythme et Mystery Train de Jarmush (1989) par sa construction en trois chapitres (Dana, Andrei, Monstri), chacun trouvant une clé d’explication dans les deux autres. On s’amuse ainsi à repérer les bouts de dialogues, les objets (auto radio, mobiles, immeubles, douches…), les attitudes, les échanges (cigarettes pour le taxi, bière avec Alex), etc, reliant de façon discrète mais parfaitement orchestrée l’ensemble du récit.
Mais plus que celui des personnages, se dessine peu à peu le portrait d’une Roumanie aussi disloquée et les enfermant dans leurs peurs : par rejet des Roms pour la partie avec la grand-mère, des homosexuels pour celle relative à Arthur alias Andrei et en raison des relents de surveillance héritée du communisme pour celle concernant Dana. Les lumières, sombres pour elle, vives pour lui, participent à cette analyse subtilement entomologique de l’état du pays. Inattendue, la conclusion offre un beau moment de réflexion sur ce qui nous pousse à rester avec l’autre. On peut toutefois se demander s’il était bien nécessaire d’attendre deux heures sur ce tempo pour nous la délivrer.
Après la nuit de Marius Olteanu est sur le écrans le 18 décembre 2019.