Jeune Juliette
Film de Anne Émond (11 décembre 2019)

Juliette est effrontée, malicieuse, un peu grosse et a le talent de se raconter des histoires. Elle n’est pas vraiment populaire au collège, mais c’est pas grave : c’est tous des cons ! Juliette a 14 ans, elle a ses théories et croit en ses rêves. Pourtant, les dernières semaines de cours se révèlent agitées et bousculent ses certitudes sur l’amour, l’amitié et la famille...

Anne Émond s’inspire de sa propre adolescence pour construire les personnages d’une Teen Movie, enfin seulement au premier abord, car le film dépasse le genre pour mettre en valeur des ados en marge de la normalisation exigée dès l’école. Juliette n’est pas dans les normes physiques vantées dans les pubs omniprésentes, de plus c’est une intellectuelle en herbe par ses lectures et la musique qu’elle écoute, son amie Léane est attirée par les filles et Arnaud est un jeune ado s’abritant dans sa bulle. Il faut ajouter à cela les émotions amoureuses, le temps de la révolte, l’envie de ruer dans les brancards et le besoin de s’émanciper d’un système oppressant et d’adultes souvent à côté de la plaque… Autrement dit : vive la différence !

Jeune Juliette décrit le monde vu par une ado qui, au début du film, n’a pas de complexes ; mais, peu à peu, les autres lui balancent à la figure qu’elle ne répond pas physiquement aux normes de la majorité et le harcèlement, d’abord diffus, s’installe et ne s’arrête pas. « Les gens populaires et branchés du lycée étaient généralement en minorité. [explique la réalisatrice] La plupart d’entre nous étions donc des “Jeune Juliette” : mal dans notre peau, pas très cools, rasant les murs. » L’univers imaginaire de Juliette prend alors le pas sur ce qu’elle vit au quotidien, la sublimation permettant de faire fi des humiliations et des doutes vis-à-vis d’elle-même.

Si elle subit les vexations des autres élèves, Juliette a cependant une sacrée répartie. Ce qui ne l’empêche pas de vouloir faire partie du groupe et lorsque son amie Léane lui confie son amour pour elle et son orientation sexuelle, elle lui tourne un moment le dos. Quant à Arnaud, dont elle assure le soutien scolaire, elle le rejette. C’est alors que de victime, Juliette devient bourreau. Comme le souligne Anne Émond : « au Québec, énormément d’enfants ont un traitement contre le déficit d’attention, le haut potentiel, Asperger… On a vraiment des cases et on y place les enfants très jeunes. Il suffit d’une petite excentricité à l’école pour déclencher le processus. Je voulais qu’Arnaud soit différent sans que ce soit étiqueté. […] Évidemment, des troubles mentaux existent et doivent être pris en charge, mais, de nos jours, des gens à haut potentiel sont diagnostiqués alors qu’ils ne devraient pas l’être. Ils devraient juste suivre leur parcours. Notre société ne permet plus l’excentricité la différence. »

La perception du corps, l’acceptation de la différence, de l’autre sont au centre du récit qui joue à la fois sur l’humour, l’émotion et même la nostalgie d’une époque cruciale de la vie : le temps de la métamorphose.
Jeune Juliette d’Anne Émond est dans les salles à partir du 11 décembre.