Comprendre le Rojava dans la guerre civile syrienne
Raphaël Lebrujah (éditions du croquant)

Il est important de revenir sur l’histoire récente du Rojava et, au-delà, sur les causes de la situation des Kurdes, qui forment le plus grand peuple apatride au monde. À la suite du partage de l’empire ottoman, à la fin de la Première mondiale, les accords secrets Sikes-Picot plaçaient l’Irak et la Palestine sous dominion britannique, et sous celui de la France le Liban et la Syrie. La conséquence de cette création d’États artificiels a été le partage du territoire habité par le peuple kurde sur quatre pays. Depuis l’accord du traité de Lausanne de 1923, la population kurde vit donc divisée entre la Turquie (20 millions), l’Iran (8 millions), l’Irak (6 millions) et la Syrie (2 millions), et de fait subit le contrôle et la répression selon les autorités gouvernementales en place. Seul le Gouvernement régional kurde en Irak a un statut d’autonomie.
Le terme Kurdistan – pour désigner le pays des Kurdes – n’est en fait légitime que depuis 2005, en Irak, à la suite du référendum lancé par Massoud Barzani, président de cette région aujourd’hui autonome. Les territoires kurdes sont habités par une mosaïque de peuples — les Kurdes en grande majorité, mais également les Arabes, les Chaldéens, les Syriaques, les Turkmènes, les Arméniens et les Caucasiens. Les religions — musulmane, chrétienne, autres obédiences et athée — sont considérées comme étant du domaine du privé.

Le patriarcat domine ouvertement au Moyen-Orient et les femmes ne bénéficient pas de l’égalité des droits sur de nombreux sujets. Au Rojava, c’est différent, il y a la volonté d’une égalité entre les sexes. Les filles sont éduquées avec les garçons, choisissent leur métier, participent à la vie publique ; la violence contre les femmes est réprimée. L’autogouvernement démocratique du Rojava doit comporter quarante pour cent de femmes. Les institutions doivent toujours avoir deux coprésident.es, un homme et une femme. Autre exemple, les conseils de femmes aux côtés des conseils généraux, qui ont un pouvoir de veto sur les décisions qui affectent les femmes. Enfin, les forces de défense du Rojava consistent en des unités pour les hommes et des unités pour les femmes.
Fort bien documenté sur le Rojava, l’ouvrage de Raphaël Lebrujah, Comprendre le Rojava dans la guerre civile syrienne, permet de revenir sur l’histoire d’une population kurde basée en Syrie et sur l’implication du Rojava dans la révolution et la guerre civile.
Le livre de Raphaël Lebrujah, avec les informations et les témoignages qu’il rapporte du terrain, participe à une réflexion sur l’impact de la résistance et de prendre la mesure d’une société en devenir. La révolution égalitaire, féministe, écologiste, inspirée par l’idée du municipalisme libertaire de Murray Bookchin, s’invente et prend des formes étonnantes qui donnent l’espoir d’un autre futur pour le Kurdistan, la Syrie et, au-delà, au plan international.