Still Recording
Film de Saeed Al Batal & Ghiath Ayoub (27 mars 2019)
Entretien avec Ghiath Ayoub

Comme Burning Country. Au cœur de la révolution syrienne de Leila Al-Shami et Robin Yassin-Kassab (L’Échappée), composé de témoignages pour démêler une information brouillée sur les résistances populaires en Syrie, Still Recording de Saeed Al Batal & Ghiath Ayoub apporte un autre regard sur l’expérience révolutionnaire. Still Recording a été réalisé à partir de 450 heures de rushes filmées par plusieurs cameramen à Damas et dans la Ghouta orientale, entre 2011 et 2015.

Still Recording est « un document exceptionnel sur l’histoire récente de la Syrie et sur la nécessité vitale que peut avoir le cinéma », explique Mohammad Ali Atassi, producteur, et lui-même réalisateur d’un film documentaire avec Ziad Homsi, en 2014, Our Terrible Country.

En 2011, Saeed Al Batal, étudiant ingénieur, quitte Damas pour Douma en Ghouta orientale afin de participer à la révolution syrienne, il est rejoint par son ami Milad, peintre et sculpteur, étudiant aux beaux-arts de Damas. Tous deux vont photographier, filmer, non seulement les bombardements et les combats dans la ville assiégée de Douma, mais également la résistance et l’expérience d’autogestion de la population. Le film est à la fois une trace de la lutte, comme la création de murals sur les ruines, et une manière de témoigner du sentiment de libération et de la disparition de la peur : ce ne sera jamais comme avant. « Je vois mes amis devant moi [raconte Milad] qui se rendent, qui sont défaits, qui perdent, qui partent et qui fuient. Parfois je suis surpris par un désir profond de faire comme eux, de m’abandonner à l’idée qu’un grand complot contre lequel je ne peux rien se joue, d’écraser ma volonté de changement et me convaincre que mes actes n’ont aucun impact sur le monde, car il y a en face une force qui contrôle le cours de ma vie et de l’histoire. Ma seule ambition serait alors une réussite personnelle. Mais je crois profondément que la mort est plus clémente que de se plier et de vivre opprimé dans une vie sans rêves ».

Pour Ghiath, qui intervient par la suite dans la réalisation, le film remet « en question des clichés diffusés par les médias sur [la population], les combattants, et sur ce qui se passe en Syrie. » Le film suscite une réflexion profonde, c’est « une tentative de comprendre les contradictions en jeu dans la situation exceptionnelle de la guerre, et également une recherche de définition du mot artiste, et sa position dans la société : qu’est-ce l’art dans la révolution, dans la guerre, dans la mort ? »

Face à un mouvement populaire pour la liberté et la dignité, tous les discours des puissants, qu’ils viennent de Moscou, de Washington, de Paris, d’Ankara ou de Damas, disent, chacun à sa manière : « Ne vous avisez pas de perturber l’ordre en place pour d’autres raisons que les nôtres. »