
Le festival Cinespaña est une compétition officielle de longs-métrages, de courts-métrages et de documentaires porté par l’association AFICH (Association du Festival International du Cinéma Hispanique) qui œuvre avec le soutien de plusieurs institutions pour la promotion et la diffusion du cinéma espagnol en France.
En 23 ans, ce festival consacré exclusivement au cinéma espagnol est devenu le plus important d’Europe, hors Espagne, en nombre de films présentés au public. Cinespaña réunit dans la ville rose où « l’Espagne pousse un peu sa corne » comme le chantait Nougaro, des auteurs et des acteurs de renom. La sélection de cette année était principalement centrée sur des films d’auteur.es qui avaient déjà fait le tour des festivals espagnols. Le petit plus de Cinespaña, c’est son ambiance festive et conviviale. Je tiens à dire que j’ai aimé particulièrement les apéros concerts de Cinespaña ! Tous les soirs à partir de 19h, ce moment de convivialité offrait une programmation musicale autour d’un verre de vino tinto, de quelques tapas dans la cour de la Cinémathèque. J’ai aimé aussi la visite guidée sur le thème : Parcours de l’exil républicain espagnol proposé par nos amies libertaires (amies avec un « e ») de l’association Iris, mémoires d’Espagne.

Pour les enfants, était proposé Don Quijote y sus amigos, des ateliers goûters pour les 6 à 10 ans avec des projections et des animations en espagnol. Pour les lycéen.nes et les étudiant.es, de nombreux établissements ont organisé des déplacements en collaboration avec le festival afin de permettre aux élèves de découvrir la richesse du cinéma espagnol.
Nous sommes parti.es à la rencontre d’un cinéma en pleine expansion, novateur et dynamique, qui porte un regard sur le passé et l’Espagne actuelle. Rires, action, délires, larmes. Les Espagnoles et les Espagnols sont forts pour nous servir toutes les émotions sur un plateau ! Plus d’une centaine de projections étaient au programme de la 23e édition. De nombreux événements ont animé ces 10 jours de festival : des rencontres littéraires, des rencontres, toujours enrichissantes, avec un acteur ou une actrice espagnoles à l’issue des séances.
Trois cycles forts ont été choisis pour l’occasion : le premier, « Rétrospective Álex de la Iglesia et la comédie noire espagnole », a été un zoom au travers de neuf projections, sur ce grand réalisateur espagnol, réputé pour ses films complètement déjantés et pleins d’humour. Une rencontre avec le réalisateur a eu lieu à la Cinémathèque avec la projection de deux de ses films : Mirindas asesinas et Balada triste, présentés par Álex de la Iglesia et Jorge Guerricaechevarría, scénariste et proche collaborateur du cinéaste. Un cinéma outrancier et complètement jubilatoire !

Le second cycle était consacré au « Novo Cinema Galego », avec une nouvelle vague de jeunes réalisateurs galiciens avant-gardistes qui se rejoignent dans leur façon de voir le monde. Enfin, le troisième cycle « Nous ne sommes pas des princesses, nous sommes des dragonnes » était consacré aux femmes rebelles dans le cinéma espagnol récent.
Une rencontre a eu lieu avec celle qui a reçu le prix de la meilleure actrice, Bárbara Lennie, une jeune actrice espagnole née de parents argentins. C’est en 2014 que Bárbara Lennie a lancé véritablement sa carrière avec la Niña de fuego (Magical Girl) de Carlos Vermut grâce auquel elle remporta le Goya de la Meilleure Actrice en 2015, au festival de San Sebastiàn. Elle y incarne avec brio le rôle d’une femme mystérieuse et psychologiquement instable. Elle entre alors dans une période de travail intense et s’engage dans plusieurs projets cinématographiques. Nous l’avons aussi vu dans le film Nobody knows d’Asghar Farhadi, incarnant la femme de Javier Bardem. À 34 ans, sa carrière est déjà remarquable. Elle s’entoure de réalisateurs tels que Jaime Rosales, Jonás Trueba, Pedro Almodóvar, Asghar Farhadi, se rapprochant ainsi d’un cinéma d’auteur dont elle tend à devenir la muse. Toujours soigneuse dans le choix de ses films, on la retrouve souvent dans des rôles de femmes de caractère. Considérée par Pedro Almodóvar comme « la révélation du siècle », Bárbara Lennie devrait encore surprendre le public, comme la critique.

Le jury du festival était présidé par la réalisatrice Julie Lopes Curval. Ce jury a remis la Violette d’or du meilleur film, mais aussi les prix de meilleurs réalisateurs et réalisatrices, meilleures interprètes féminine et masculin, meilleure musique, meilleure photographie et meilleur scénario, lors de la soirée de clôture qui s’est déroulé le samedi 13 octobre, à la Cinémathèque de Toulouse. La Violette d’or du meilleur film et le prix du public ont été remis à Arantxa Echevarria pour Carmen et Lola. Le prix du meilleur acteur a été remis à Moreno Borja pour Carmen et Lola. Le prix de la meilleure actrice à Bárbara Lennie et Susi Sánchez pour la Maladie du dimanche.
« Ce film est un miracle » a expliqué lors de la première projection de Carmen et Lola, sa réalisatrice Arantxa Etchevarria. Public et critique ont été d’accord : Carmen et Lola a triomphé au festival. Tourné dans la communauté gitane de Madrid, le film raconte l’histoire d’amour, totalement tabou, de deux adolescentes dans la communauté gitane madrilène. Un pur concentré de vie, sensible et troublant, incroyablement interprété par des gitans non professionnels. Le film vient de sortir à Paris. Je vous encourage à le voir.

Pour finir, trois films ont attiré mon attention : le Silence des autres, un documentaire de Almudena Carracedo et Robert Bahar. Le film retrace après la mort de Franco, en 1977, le moment où l’Espagne vote la loi d’amnistie générale qui libère les prisonniers politiques, mais garantit dans le même temps l’impunité aux tortionnaires du régime. Aujourd’hui, dans un pays encore divisé sur la question de la mémoire, des citoyen.nes espagnol.es, victimes des exactions de la dictature, ont saisi la justice à l’étranger, en Argentine, pour rompre le « pacte de l’oubli » et faire condamner les coupables. Ce film produit par Almodovar sera diffusé en avant-première à Paris par l’association 24 août 1944, le 17 janvier prochain.

La vida lliure (la Vie libre) de Marc Recha avec l’acteur catalan Sergi López, très connu en France. Cela se passe en 1918 sur une plage de Minorque, deux jeunes frères et sœurs découvrent ce qu’ils s’imaginent être un trésor... Ce film aux paysages méditerranéens soignés est une ode poétique à l’apprentissage, à la nature et à Minorque, l’une des dernières îles sauvages en Europe.
Enfin, parce que j’aime décidément beaucoup les îles et leurs secrets, Formentera Lady de Pau Durà, un autre réalisateur catalan qui met en scène Samuel, incarné par le grand acteur espagnol José Sacristán, un musicien de blues, qui est arrivé sur l’île de Formentera dans ses années hippies et n’en a pas bougé depuis. Lorsque Marc, son petit-fils, déboule dans sa vie, c’est Samuel qui va devoir apprendre à grandir.

Du 5 au 14 octobre 2018, Cinespaña a attiré petits et grands pour des projections ibériques riches en émotions fortes. De quoi retrouver le soleil durant l’automne... Une compétition riche, de belles rencontres, un temps magnifique et de grandes découvertes, bref toutes les composantes qui font de ce festival un très beau rendez-vous. Mais, et c’est toujours comme ça que ça se passe, le moment arrive où il faut savoir dire au revoir à la ville de Carlos Gardel et Claude Nougaro. Tout ça pour retourner dans sa grisaille parisienne...