
La Jeune fille sans mains, c’est un dessin superbe, une animation originale revenant aux sources. Quant à la narration, elle s’imbrique dans mouvement et chaque changement de décor…
Magique !
Un meunier très pauvre fait un deal avec un être maléfique : donner le pommier derrière le moulin… Promesse est faite, mais l’arbre est le refuge de la fille du meunier et là commence la malédiction, la perte des mains, la fuite, l’aventure d’une vie…

La Jeune fille sans mains est un conte et une métaphore de l’émancipation et ce fut un véritable plaisir de découvrir le film et cette animation à contre-courant.
La beauté du dessin, alliée à la subtilité des couleurs et à l’originalité de l’animation elle-même, jouant sur le rythme musical, c’est tout cela la Jeune fille sans mains, sans les trucages habituels et classiques… Bref, de la poésie pure !
On imagine le travail pictural de chaque planche, « Le film [explique Sébastien Laudenbach] a été peint sur papier, du premier au dernier plan dans l’ordre chronologique, d’une façon plus ou moins improvisée ainsi que le ferait un jazzman sur un canevas. » Improvisation proche de la musique certainement, avec également une pratique étonnante pour créer les liens entre les séquences du film et y ajouter cette dimension poétique particulière au conte des frères Grimm.

Et au-delà de la fable, on perçoit une narration à plusieurs niveaux, à tiroirs en quelque sorte…
Il y a la vision sociale : ce que la misère pousse à faire pour survivre, sans méfiance des interventions providentielles. En acceptant que l’eau du ruisseau se transforme en or, le brave meunier croit régler ses problèmes, mais il oublie les conséquences du pacte : l’abandon de ses principes et de son humanité. Désormais prêt à toutes les compromissions pour conserver sa nouvelle richesse, il ira jusqu’à sacrifier sa famille et commettre des faits indignes et cruels. Autrement dit : comment l’argent subvertit un être humain.
Et il y a la dimension féministe : la jeune fille, longtemps soumise à l’autorité paternelle, découvre la nature de l’autorité et son injustice, rompt avec son père et part à la recherche d’elle-même et d’un autre monde. Avec le soutien de la rivière, elle va peu à peu se libérer de la domination masculine. Mais ce n’est qu’après de nombreuses épreuves qu’elle découvre son autonomie et la voie qu’elle choisit…

En épilogue, on peut donc voir dans la Jeune fille sans mains — inscrit dans la trame de l’histoire —, le pouvoir néfaste de la richesse, les manipulations de qui la dispense, les méfaits du patriarcat et l’émancipation de la jeune fille sans mains… Mais n’en disons pas plus… Sinon ajouter que la justesse des voix et l’apport de la bande son accompagnent parfaitement l’image, la complète et même la transcende.
Un film magique, à voir absolument… [1]