
Le film documentaire de de Thierry Michel, L’Homme qui répare les femmes. La colère d’Hippocrate a pour cadre une région magnifique en bordure du lac Kivu qui, depuis une vingtaine d’années a subi plusieurs crises humanitaires et est le théâtre de conflits permanents, de massacres de la population civile, des crimes de guerre perpétués en particulier à l’encontre des femmes.

Cette région congolaise, à la frontière du Rwanda et du Burundi, est riche en ressources minières, notamment en coltan. La République Démocratique du Congo dispose actuellement au moins 70 % des réserves mondiales de coltan, un métal utilisé notamment dans les ordinateurs et les téléphones portables. Cette richesse est à la source des guerres interminables et des massacres qui chassent la population des collines, laissant ainsi le terrain libre à une exploitation que se disputent les différents groupes armés pour ensuite le revendre aux multinationales.

Denis Mukwege est docteur gynécologue. Il habite cette région frontalière, et depuis le génocide au Rwanda en 1994, il a constaté la multiplication des atrocités contre les femmes : viols collectifs, destruction de l’appareil génital, empalements… Cette violence inouïe et systématique l’a amené à se révolter et à dénoncer l’absence de solution politique pour faire cesser ces atrocités. Spécialiste du traitement des femmes violentées, il est témoin quotidiennement de ce qu’elles subissent.

Le film décrit la lutte de ce médecin et la mobilisation des femmes pour faire cesser ces violences et contre l’impunité des militaires et des bourreaux. Le combat du docteur Mukwege se situe au Congo, mais aussi à l’international. Il voyage dans le monde entier pour parler de la situation des femmes au Kivu, mais est condamné à vivre, confiné dans l’hôpital de Panzi, pour des raisons de sécurité. Il a déjà failli être assassiné et ses déplacements se font sous escorte. « Le travail du docteur Mukwege [est] à plusieurs niveaux : au niveau médical, mais aussi psychologique, économique et juridique, tout en continuant d’assurer les interventions gynécologiques, entre deux voyages internationaux, la gestion de l’hôpital, la formation des équipes. »

Le film, réalisé par Thierry Michel, donne la parole aux femmes dont les témoignages sont poignants et en même temps montrent une volonté impressionnante de résister. La question de l’impunité des violeurs et des assassins est centrale, car les victimes se trouvent parfois face à leurs tortionnaires. Un dossier des Nations-Unies — le rapport Mapping — a été établi à la suite d’enquêtes et recense 615 actes de violences graves avec violations des droits humains, commis en 20 ans de conflits et de guerres en RDC. Ce rapport, au final édulcoré des noms de responsables, a été déclaré « strictly confidential », ce qui prouve une volonté politique de ne pas mettre en cause des personnes aujourd’hui à des positions de pouvoir. Un autre point important est d’exiger de la part des multinationales la traçabilité du coltan.

Face à cette impunité, il y a néanmoins des tentatives de l’éradiquer. Il y a aussi des « cliniques juridiques », dont celle du docteur Mukwege, qui accompagne les femmes et prépare les dossiers sur les criminels. Mais trop souvent, ceux qui sont jugés par la justice militaire sont des « petits poissons », comme les juristes les appellent.
