
Après la lecture du livre de Victoria Vanneau, La Paix des ménages. Histoire des violences conjugales XIXe-XXIe siècle, on serait tenté de dire que l’on vient de loin en ce qui concerne les droits des femmes durant les deux derniers siècles. Mais presque immédiatement se posent des questions cruciales par rapport à la mobilisation des femmes aujourd’hui pour défendre leurs droits, sur le backlash régressif amorcé dans les années 1980, de même que sur l’évolution des mentalités qui parfois semblent émerger d’un autre âge… Il est vrai que lorsque que l’on aborde la question des violences conjugales, des pratiques de harcèlement, des habitudes soi-disant « naturelles » de domination masculine, on constate que l’on est loin du compte concernant le respect mutuel ou la reconnaissance de l’égalité des droits… Les traditions sont tenaces et imprègnent, qu’on le veuille ou non, les esprits des femmes et des hommes dès la petite enfance.
Autant dire que la vigilance est essentielle et que la lutte est quotidienne vis-à-vis des tendances machistes qui ne disent pas forcément leur nom. Les chiffres officiels des violences contre les femmes sont effrayants. Aujourd’hui, une femme décède tous les trois jours sous les coups de son actuel ou ex-compagnon, environ 223 000 femmes, entre 18 et 75 ans, subissent des violences physiques et/ou sexuelles. Et seules 14 % des victimes vont jusqu’à déposer une plainte, la plupart se taisant pour protéger les enfants ou par peur des représailles. Selon l’association Osez le féminisme, la volonté politique d’agir contre le phénomène des violences est plus que tiède comparée aux moyens de communication et de prévention mis en œuvre pour inverser la courbe des chiffres des victimes d’accidents de la route.
Dans ce contexte, l’étude de Victoria Vanneau, La paix des ménages. Histoire des violences conjugales XIXe-XXIe siècle, donne des pistes importantes pour comprendre les origines de non droit au féminin, de sa justification, depuis l’esclavage des femmes et leur dépendance pour justifier leur « incapacité légale ». On connaît l’argument : « la femme est l’inférieure de l’homme », et cela de « tout temps » et de « toute éternité » ! D’ailleurs, « tout l’édifice marital tient dans l’inégalité des sexes ».
« La femme a une certaine place dans notre société », qu’elle y reste ! Et à ce sujet, les religions viennent à la rescousse : tant le Pape que certains évêques, de même les Frères musulmans et les Salafistes sont finalement d’accord sur le rôle dévolu aux femmes : à savoir procréer en demeurant à la place subalterne qui leur a été assignée par… des hommes. Il faut attendre le 4 juin 1970 pour que la mention « L’épouse doit respect et obéissance à son mari » soit remplacée par « les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille ».

Le recul des droits des femmes dans les sociétés, c’est le recul pour toutes les femmes. Et une société qui ne respecte pas la moitié qui la compose — les femmes — est une société en perdition. Or, comme le souligne Victoria Vanneau dans son introduction, « la justice, comme toutes les administrations d’État, mène, on le sait, des politiques, ajuste des répertoires d’action, développe des savoir-faire et les met en circulation. » Donc, dans le cas où le mari, ou bien le compagnon, est autorisé à user de son pouvoir sur la personne de sa femme, il « reste alors à cerner de quel ordre est ce pouvoir. »