Christiane Passevant
Walter Benjamin. Politiques de l’image
Sous la direction d’Alain Naze (L’Harmattan)
Article mis en ligne le 7 juillet 2016
dernière modification le 6 juillet 2016

par C.P.

Walter Benjamin. Politiques de l’image est un ouvrage collectif issu d’un colloque intitulé « Actualité de Walter Benjamin », et les textes présentés ici tournent autour du thème de l’image et de la relation à l’image, très présente dans la pensée de Walter Benjamin. L’image fixe, l’image en mouvement, la perspective, le geste… Beaucoup de questions qui amènent à s’interroger sur les dimensions politique et esthétique de l’image, qu’il s’agisse du cinéma, de l’architecture ou de la photographie…

« Il n’y aurait donc pas, d’un côté, la pensée de Benjamin, qui, à titre d’objets, privilégierait les images, mais il y aurait plutôt la pensée de Benjamin qui, en tant que telle, se déploierait au sein d’images — mieux, s’informerait comme image. »

En parlant de cinéma, on entend généralement le film réalisé et diffusé. Rares sont les analyses de la fabrication d’un film, la conception, l’écriture, le filmage, la réalisation, le montage, le mixage, toute la phase « artisanale » et créative de la post production. Le cinéma est une juxtaposition d’images et de sons en évolution, projetée et partagée sur un écran. Sa spécificité réside dans le processus en mouvement qu’il implique, depuis l’écriture — le script, le synopsis, le story-board —, en passant par des strates d’évolutions successives durant le tournage et surtout au cours de la post production où le son et la technique peuvent avoir un rôle déterminant sur la création, c’est-à-dire sur la forme et le contenu cinématographiques.

« Le geste est mieux révélé par un film parce que filmer est gestuel » ? Peut-être. Mais « Pourquoi le cinéma aurait cette capacité de pénétrer dans le domaine gestuel ? » Ce à quoi Philippe Roy répond : « Les images sont innervées par un certain nombre de gestes cinématographiques : plongées et remontées de la caméra, coupures et isolements, réductions. Plonger, remonter, couper, isoler, ralentir, accélérer, agrandir, réduire et bien sûr monter (le montage faisant retentir les gestes les uns avec les autres et dans les autres). »

Avec Alexandre Costanzo, il est question du « cinéma de la révélation » de Philippe Garrel, un « catalogue de gestes, d’attitudes et de postures qui se succèdent, saturé par des paroles à blanc, nourri de mimiques, de jeux et de scènes de ménage ». Philippe Garrel décrit « les scènes primordiales d’une humanité générique ».

Enfin, avec Alain Naze est soulignée l’articulation entre architecture et cinéma, comme ces passages urbains magiques et propices « à toutes les rencontres » qui sont présents dans trois films de Jacques Demy, Lola, Les parapluies de Cherbourg et Une chambre en ville. Des lieux qui ne sont pas d’ailleurs et seulement de simples décors, mais les vecteurs de situations et d’événements dans la trame des films. On pourrait donc se demander : quelle est la « perception face à une architecture, la perception face à un film, et enfin la perception face à un film mettant le spectateur [et la spectatrice] en présence d’une architecture. »

Les films exploreraient le monde que nous avons sous les yeux ? Sans doute, ils soulignent parfois des situations, des faits, des gestes que l’on préfère ignorer, de l’intime au politique. Et l’on revient ici au titre de l’ouvrage, Walter Benjamin. Politiques de l’image, « “politiques” de l’image qui doit donc s’entendre comme ce qui pose aussi la question de la politique ».