La mer déverse sur notre seuil
ses flots de choses délabrées.
Frémissements de hauts fonds.
Paroles chères
– elles aussi revenues.
Sorte de paquet renvoyé à l’expéditeur.
Mais le cœur est là, tôt éveillé
avec ses drôles de picotements.
Mes yeux découvrent le ciel
– il est lourd sans toi.
Si seulement tu pouvais voir,
voir comme l’aurore est déserte.
Ecorce craquelée, bizarrement lumineuse,
comme tout ce qui est précaire.

Je me demande où je suis,
dans quel paysage, quel rêve.
Oui, cette chose vivante, le monde
toujours recommencé.
Le matin apporte pêle-mêle ses odeurs,
ses poussières, ses voix. Ici ou là
nos pas tracent une ligne au creux
des collines. Un chemin de traverse
pour aller je ne sais où. Tout ça pour dire :
je marche d’un cœur léger
sur les feuilles, les reflets tremblants
des arbres sur le trottoir.

Tendre attention pour les roses
– instant qui porte la part d’oubli
comme des énigmes de chaque jour.
Les roses qu’elles fleurissent
ou flétrissent restent
l’âme de notre jardin.

Quelques arbres continuent
de se mordorer sous le ciel
couleur de sel de Guérande.
Je me demande : jour d’aujourd’hui,
tu nous mènes où,
vers quel mur, quel mystère ?
Toi qui n’es plus qu’herbe
raréfiée au cœur de l’hiver.
Et le vent qui entre jusqu’en nous !
Et tout ce sauve-qui-peut !
Mais nous n’y pouvons rien,
tu le sais, si le vent passe sur nous,
balaie nos poussières en même temps
qu’il écorche les arbres.

Le bouleau a perdu ses feuilles.
La cour est comme sans voix.
L’âme grelottante. Le soir rentre
dans ses vieilles fripes.
Tu dis : faisons corps avec cet instant,
quelque chose en restera.
Mais quoi ? – nous sommes ici
comme ces oiseaux dans l’arbre,
dans le noir parfait. Ils attendent l’aube.
Comme eux, nous n’avons que la nuit,
nos voix et nos silences
pour nous maintenir en éveil !